Karlee Monster : "Je suis une femme trans et je regrette ma transition"

19/11/2025

Karlee Monster : "Je suis une femme trans et je regrette ma transition"

Entretien exclusif. Née garçon et engagée dans une transition à 17 ans pour devenir femme, Karlee fait partie des rares personnes en France à témoigner publiquement de leur détransition. Très active sur TikTok et Instagram sous le pseudo Karlee.monster, elle partage son parcours, ses regrets et son envie de sensibiliser les jeunes qui envisagent une transition médicale. Aujourd’hui, elle prête sa voix à celles et ceux qui n’osent pas s’exprimer. Avec nous, elle revient sur son histoire, son combat et l’espoir qu’elle place dans la prévention.

[Focus LGB]

Bonjour et merci, Karlee. Pour commencer, est-ce que tu peux te présenter et expliquer brièvement ton parcours ?

 

[Karlee Monster]
Je m’appelle Karlee Monster sur les réseaux sociaux. J’ai récemment pris la parole sur la question des détransitions, parce que je suis directement concernée : je regrette ma transition ainsi que ma vaginoplastie
Aujourd’hui, je détransitionne à ma manière, avec la conscience que certains changements sont irréversibles. Je partage mon histoire pour sensibiliser, autant les jeunes que les moins jeunes, afin d’éviter que d’autres vivent ce que j’ai vécu.

 

Dans tes vidéos, tu expliques avoir voulu “fuir qui tu étais vraiment”. Qu’est-ce qui t’a poussée à transitionner si jeune, à 17 ans ? L’homophobie intériorisée a-t-elle joué un rôle ?


Oui, je pense clairement que l’homophobie intériorisée a joué un rôle. J’ai grandi dans une famille homophobe et j’avais honte d’être un jeune homosexuel. Même marcher dans la rue en tenant la main de mon copain me mettait mal à l’aise. Ce n’est pas la seule cause, mais ça a beaucoup pesé.
Ce qui m’a poussée à transitionner, concrètement, c’est aussi la découverte sur YouTube et les réseaux sociaux de personnes expliquant qu’on pouvait changer de genre facilement. Leur discours m’a séduite, et je me suis lancée dedans sans vraiment réfléchir.
Mon objectif, à l’époque, c’était de “rentrer dans la normalité”. J’étais un jeune homosexuel dont on voyait l’orientation dans l’apparence et les manières, et je voulais absolument avoir un passing féminin irréprochable pour échapper aux moqueries, au rejet, au regard des autres.

 

À l’époque, comment les professionnels t’ont-ils accompagnée ? As-tu eu le sentiment d’être réellement entendue, ou plutôt que ton désir de transition a été validé trop facilement ?


J’ai été suivie pendant deux ans par un psychologue, parce que c’était obligatoire à l’époque, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui et je trouve ça très problématique.
Mais je suis tombée sur un psychologue qui ne connaissait absolument rien au sujet des transitions. Avec le recul, j’ai vraiment l’impression qu’il était surtout heureux de me voir chaque semaine pour arrondir ses fins de mois.
Il n’avait pas les compétences nécessaires pour accompagner quelqu’un dans un processus aussi lourd. Mon désir de transition a été validé très facilement : il m’a posé quelques questions rapides et s’est contenté de mes réponses pour donner son accord.
Il n’a jamais vraiment cherché à creuser mon histoire, mes difficultés, mes traumas, ni ce qui pouvait réellement expliquer mon mal-être.

 

Avec le recul, qu’est-ce qu’on t’a mal expliqué, ou pas expliqué du tout, avant ta transition et tes opérations ?


Avec le recul, je pense clairement qu’on n’a pas été honnête avec moi. J’ai été naïf, j’ai accordé ma confiance trop facilement et j’ai aussi beaucoup écouté la propagande transactiviste qui promettait des choses irréalistes.
On me présentait des influenceuses trans qui se disaient des femmes accomplies uniquement grâce à la transition. Mais ce n’est pas vrai, ce ne sont pas des femmes, ce sont des “femmes trans”. Et ce mot-là, “trans”, il change absolument tout. C’est un détail qui paraît insignifiant, mais qui porte en réalité un sens énorme, surtout pour les jeunes qui les écoutent et qui se laissent influencer.
On aurait dû m’expliquer clairement que la transition ne rend pas femme. On aurait dû me présenter la réalité, avec ses limites, ses conséquences, ses complications. Ce n’est pas ce qu’on m’a vendu.

 

Comment s’est passée la prise de conscience de ton regret ? Et comment ton entourage médical a-t-il réagi ?


Je me suis sentie extrêmement seule. Quand j’ai parlé au chirurgien de mes regrets, il m’a simplement répondu qu’il pouvait me refaire une autre vaginoplastie “pour améliorer le résultat”. Et il m’a conseillé de revoir un psychologue.
J’ai été suivie pendant sept ou huit ans par différents psychologues, et plusieurs m’ont dit, mot pour mot, qu’ils ne pouvaient rien faire pour moi. Deux d’entre eux m’ont expliqué qu’ils n’étaient pas formés, qu’ils n’avaient pas les connaissances et que leurs collègues ne les auraient pas non plus.
On m’a dit clairement : “Vous regrettez votre vaginoplastie, mais on ne peut rien y faire.” Je me suis retrouvée face à un vide thérapeutique total.

 

Beaucoup affirment que les détransitions sont “extrêmement rares”. Que réponds-tu à cet argument ?


C’est un discours qui m’agace profondément. J’entends souvent que les détransitionneurs représenteraient quelque chose comme “moins d’1%” mais je n’y crois pas une seconde.
Le taux de suicide augmente alors même que l’accès à la transition n’a jamais été aussi facile. Logiquement, si la transition était la solution, les suicides devraient diminuer, pas l’inverse.
Et il faut rappeler que personne ne demande aux suicidés s’ils regrettent leur transition. Personne ne m’a jamais demandé, lors de mes propres tentatives de suicide, si cela avait un rapport avec ma transition ou ma vaginoplastie
Personne ne m’a jamais interrogée pour une étude, un sondage, rien. Donc comment peut-on affirmer que les détransitions sont “rares”, alors que personne ne se donne réellement les moyens de comptabiliser les regrets ?
Pour moi, ce fameux pourcentage est complètement faux, inventé, et je le rejette totalement.

 

Quel message aimerais-tu adresser aujourd’hui aux jeunes qui envisagent une transition ?


Je voudrais d’abord leur envoyer tout mon soutien. Et surtout leur dire : prenez votre temps. Une transition, ce n’est pas ce qu’on voit sur les réseaux sociaux. C’est bien plus complexe, et souvent bien plus difficile à vivre. Les conséquences physiques, mentales, sociales sont nombreuses et parfois irréversibles.
Je conseille vraiment de ne pas commencer avant 18 ans. Et même, idéalement, d’attendre 25 ans. La puberté est un processus essentiel pour le métabolisme, la santé mentale, le développement du corps, c’est la base du corps humain. La perturber trop tôt, ou la bloquer, peut avoir des conséquences graves dont on ne parle pas assez.
Entourez-vous bien aussi : famille, amis, professionnels. Parlez, échangez, consultez des psychologues ou psychiatres, même si eux-mêmes ne sont pas toujours formés, parce qu’on manque encore beaucoup de recul sur ces sujets. Mais c’est toujours ça de pris.
Et surtout, ne restez pas enfermés entre personnes trans ou dans des cercles militants LGBTQ+. Quand on ne fréquente que des gens qui pensent comme nous, on s’influence, on se conforte, on se pousse parfois dans une direction sans recul. C’est très toxique. Sortez de cette bulle !

 

Sur tes comptes TikTok et Instagram (@karlee.monster), tu partages ton témoignage. Quel est ton objectif à travers ces vidéos ?


Mon objectif, c’est que ce que j’ai vécu puisse servir à quelque chose. Il y a un an, j’ai failli mourir : 15 jours de coma, et les médecins avaient annoncé à mes proches que je ne survivrais probablement pas, ou que je reviendrais “en légume”.
J’ai compris que j’aurais pu disparaître dans le silence, sans que mon histoire, mes regrets, mes souffrances soient jamais prises en compte dans les statistiques ou dans le débat public. Et je refuse ça. Je ne veux pas que mon vécu soit effacé.
Alors je me dis que si j’ai survécu, ce n’est pas pour rien. Aujourd’hui, ce que je peux faire de plus utile, c’est de la prévention. C’est pour ça que j’ai créé mes comptes : pour alerter, sensibiliser, témoigner.
À long terme, j’aimerais que mes comptes prennent de l’ampleur, pouvoir intervenir dans des médias, sur des plateaux, à la radio… Pas pour interdire la transition, mais pour qu’elle soit beaucoup mieux encadrée.
Et si, pour ça, je dois devenir une “influenceuse”, même si ce n’était pas mon intention, alors très bien. Parce que face aux influenceuses trans suivies par des millions d’abonnés, il faut aussi qu’une voix comme la mienne puisse exister.

 

Comment imagines-tu ton avenir, tant personnellement que dans ton rôle éventuel de porte-parole ?


Honnêtement, avec ma dépression chronique diagnostiquée, j’ai du mal à imaginer l’avenir de façon positive. Mais je me souhaite du courage pour affronter tout ce qu’il me reste à traverser, et surtout de la tolérance envers moi-même, ce qui n’est pas simple tous les jours.
Quant à mon rôle de témoin : si je dois devenir la porte-parole des personnes qui regrettent leur transition, je le ferai volontiers. Je n’ai rien à perdre et tout à gagner.
Le jour de ma mort, si j’apprends que mon témoignage a sauvé ne serait-ce qu’une seule personne, ou évité un seul regret, alors j’aurai tout gagné. C’est ça, mon objectif ultime : aider, prévenir, protéger.
J’aimerais aussi aller plus loin : participer à des reportages, écrire un livre, pourquoi pas même inspirer un film basé sur l’histoire d’une personne qui détransitionne. Ce serait un moyen puissant de toucher un large public.

 

Est-ce que tu aimerais ajouter quelque chose ?


Oui, j’aimerais vraiment que davantage de personnes me soutiennent sur les réseaux. Parce qu’aujourd’hui, sans abonnés, sans likes, sans partages, notre voix ne porte pas. Les grands médias ne vous invitent pas si vous n’avez pas une certaine visibilité.
Et si on veut vraiment faire bouger les choses, j’ai besoin de ce soutien.
Merci encore de m’avoir donné la parole. J’espère que mon témoignage aidera et qu’il servira à beaucoup d’autres personnes. Merci du fond du cœur.

 

Nous remercions chaleureusement Karlee Monster pour sa confiance et pour la force de son témoignage. Son parcours, difficile et courageux, apporte une parole indispensable dans un débat où trop de voix restent invisibles.
Si vous souhaitez la soutenir ou en savoir plus, retrouvez-la sur TikTok et Instagram : @karlee.monster.
Chaque abonnement, chaque partage, lui permet de faire entendre cette réalité et d’aider d’autres personnes à ne pas rester seules.

 

Propos recueillis par Zadig pour Focus LGB.

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